La tempête apaisée - le bonheur ici et maintenant

Cet homme toujours fait remarquer ce qui manque à son bonheur total. 

Du coup, je ressens qu'il appelle de notre part un discours semblable à celui d'une maman à son enfant : "Ne t'inquiète pas, ça va aller, quel dommage, tu dois être malheureux, je suis là, tout va bien". Son épouse d'ailleurs est à mes yeux plus une mère qu'une amante à son égard. 

Sur la tempête apaisée -, ça donnerait : "Nous sommes arrivés sains et sauf sur l'autre rive et c'était pas gagné : Jésus dormait quand la tempête faisait rage, nous l'avons réveillé et c'est alors qu'il a calmé le vent et les flots. Nous étions trempés et nous avons passé une mauvaise nuit dans nos habits mouillés." Réponse appelée : "Ne t'inquiète pas, ça va aller, Jésus est là, tout va bien. Quel dommage, vous avez dû avoir froid. Mais maintenant, le soleil s'est levé, faites sécher vos affaires, tout ira bien désormais, confiance."

A l'oraison, je découvre, stupéfait :

que Jésus est épuisé, qu'il est aussi mouillé que nous, qu'il est avec nous et ne nous épargne pas, ni à lui ni à nous-mêmes, les désagréments du quotidien ;

qu'il ne me propose pas une vie quotidienne sans désagrément -- mais une vie quotidienne avec lui, en sa présence ;

que ce que je me figurais être le bonheur -- l'absence de frustrations, d'inconfort et de difficultés, l'omniprésence d'un sentiment de joie, de satisfaction, de suffisance -- est un bonheur de nourrisson, la couche sèche, l'estomac plein, la chaleur du sein maternel et des caresses sur le front ;

que ce qui m'est donné ici-même et maintenant se compare tout à fait à la situation de la tempête apaisée, en plus calme, en plus banal ;

que la banalité du quotidien est pleinement assumée par Jésus et qu'il m'y rejoint, comme est banale la vie avec Marie-Cécile, parfois, et qu'y est présent l'amour quotidien comme incognito ;

que je ce que je me figurais être l'amour -- les exploits, les mots extraordinaires, les sentiments qui transportent -- est une vue d'enfant, le chevalier amoureux prêt aux exploits pour attirer le regard d'une reine qui entre mille le choisira comme amant d'exception ;

que Jésus vit avec moi, travaille avec moi, rame avec moi, aime avec moi en Marie-Cécile et en les personnes de mon quotidien, rencontres fugaces et fidèles compagnons ;

qu'alors je suis heureux ici-même et maintenant, c'est un commencement dont je m'étonne ;

que j'ignorais donc ce qu'est le bonheur, voulant posséder ce que je ne possède pas, vivre où je ne vis pas... ;

et que j'apprends ce qu'est le bonheur, et que cette nouveauté m'émerveille et me remplit d'action de grâce pour Jésus le Christ, Amen.