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Ils amènent l'ânon (...) et Jésus s'assit dessus. Marc 11, 7.
16 novembre 2013

Je suis pharisien, Luc 7, 36-50

7,36 Un Pharisien l'invita à manger avec lui ; il entra dans la maison du Pharisien et se mit à table.

Ca a l'air simple. Ca ne l'est pas. Versets 44-46, Jésus décrit un tout autre accueil, celui qu'il n'a pas reçu. C'est vrai, à la réflexion, un pharisien invite Jésus à manger avec lui, tout de suite on voit Jésus à table à l'intérieur de la maison, sans préambule, sans préliminaire. Pas normal.

Dans cette maison, qui y voit-on d'autre ? verset 49, d'autres personnes qui étaient à table avec eux deux. Pas des disciples, ceux-là, Luc l'aurait précisé. Pharisiens ? peut-être. En tous cas, ils ont en commun qu'"ils se disent en eux-mêmes". Ils ne parlent pas ouvertement de ce qu'ils pensent. Ils observent Jésus. Voilà, le pharisien les a invités pour observer Jésus eux aussi. Que dira-t-il, que fera-t-il ? Ils sont là pour le scruter. Puisqu'ils sont plusieurs, ils pourront témoigner. Testis unus, testis nullus, n'est-ce pas ? Témoin seul, témoin nul.

Ont-ils de bonnes intentions, de mauvais desseins ? Je l'ignore. L'absence de décorum à l'orientale, sans aller jusqu'aux honneurs que Jésus décrit, laisse entendre un accueil froid. Ils ne savent pas comment l'accueillir : prophète, sage, rabbi ? Ils ne l'accueillent pas.

Le pharisien est sur le point de rayer "prophète" de la liste, verset 39.

7,37 Et voici une femme, qui dans la ville était une pécheresse. Ayant appris qu'il était à table dans la maison du Pharisien, elle avait apporté un vase de parfum.

La prostituée dans la maison du pharisien. Ca fait tache. De par sa présence dans la maison, Jésus fait rentrer le dehors en dedans.

Curieusement, le pharisien de la met pas dehors. Il aurait pu, afin de sauver son honneur. D'épargner à sa maison la souillure. Ouvrant les yeux, il observe. Observant, il imite. Oui, le pharisien commence à imiter Jésus : Jésus laisse entrer la femme, eh bien lui aussi la laisse entrer. Il ressens une invitation : "qu'est-ce que ça fait si j'agis comme Jésus ?"

Peut-être pense-t-il, comme moi, que sa foi et sa conduite lui achètent l'ataraxie, l'absence de troubles, du corps, de l'âme et de l'esprit. Que Jésus réponde à son invitation et vienne en sa maison ne lui fait pas grand' chose, on dirait. Au moins est-on entre hommes religieux, des gens bien.

Non. Quand j'invite Jésus à entrer en ma maison, il se passe des choses, des rencontres que j'aurais préféré ne pas faire, comme une pute, chez moi. D'ailleurs, si je comprends bien la suite, Jésus n'est choqué de rien : ni de mon accueil froid, ni de mon manque de considération pour lui, ni de la présence d'une pute chez moi, ni du péché en moi, finalement, comme il va me le montrer en toute délicatesse (vv 41 sq).

Jésus fait entrer la vie chez moi, et la vie génère des mouvements. Seigneur, je voulais le repos du coeur en Te suivant. Je m'en rends compte, Tu proposes autre chose. Tu m'invites à la liberté.

Jésus, je voulais une vie sous contrôle, sous mon contrôle. Je me suis mis à Ta suite et, de fait, le contrôle m'échappe. Tu es là, rassurant, libre. Tu m'invites à la confiance.


7,38 Et se plaçant par derrière, à ses pieds, tout en pleurs, elle se mit à lui arroser les pieds de ses larmes ; et elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers, les oignait de parfum.

Je vois la beauté, je sens le parfum, j'entends les pleurs, je sens les baisers et cheveux mouillés, j'ai un drôle de goût dans la bouche. Elle lui fait l'amour. 

J'entends le silence dans la salle à manger. Tous se sont tus. J'entends les pleurs, rien que les pleurs.


7,39 A cette vue, le Pharisien qui l'avait convié se dit en lui-même :" Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse !"

C'est trop. Une femme qui joue du désir de l'homme, une prostituée. Et Jésus a la même liberté vis à vis d'elle que vis à vis de lui, le pharisien ! Insupportable. Le même accueil pour l'impure et pour le pur, pour la salope et pour le saint. Il aura le même pour Bartimée et pour Pilate, pour Nicodème et pour Judas. Inimitable. Le Pharisien voit une salope. Jésus accueille une femme.

Cette femme Le touche. Comment être insensible ? Jésus, je pense, ne l'est pas. Jésus ne cherche pas l'ataraxie. Ce en quoi saint Ignace et son discernement des mouvements du coeur est profondément de Jésus. Saint Augustin parle de notre coeur sans repos tant qu'il ne repose en Dieu, comme si c'était l'idéal, le repos du coeur en Dieu. Peut-être que non, en fait. Peut-être que la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant et qu'être vivant est incompatible avec le repos du coeur (équivalent à la mort ?), et que ça va bien à Jésus. Et Ignace d'embrayer sur le discernement des esprits, discernement des mouvements du coeur, l'opposé du repos, donc.

7,40 Mais, prenant la parole, Jésus lui dit :"Simon, j'ai quelque chose à te dire."-"Parle, maître", répond-il. -

Simon ? Nous connaissons son nom. J'aime à imaginer cet homme, à l'instar de Nicodème et de Bartimée, nommé car connu de la communauté chrétienne qui a donné naissance à cet évangile.

7,41 "Un créancier avait deux débiteurs ; l'un devait cinq cents deniers, l'autre cinquante.

Oui, ami pharisien, cet homme est prophète : elle et toi êtes débiteurs...

7,42 Comme ils n'avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce à tous deux. Lequel des deux l'en aimera le plus ?"

... de Dieu. De Dieu qui ne veut pas être remboursé mais aimé. L'attitude de Jésus est précisément cohérente avec le prophétisme, Israël élu et pécheur, fils insolemment indigne et racheté gratuitement. Mais ce prophétisme-là est insupportable s'il m'accueille comme il accueille la femme qui par son existence dissolue fait naître en moi désir et culpabilité. Et me confronte, ce faisant, à ce que je suis, loin de l'image de saint que j'entretiens.

Bonne nouvelle, frère, désir et culpabilité sont le signe que tu es vivant, la confrontation à l'image de toi est le signe que tu es limité, fini. Quoi que tu découvres à ton sujet, Jésus t'aime et te reçois. Il n'exige pas que tu changes, il t'aime tel que tu es, ici et maintenant.

7,43 Simon répondit :"Celui-là, je pense, auquel il a fait grâce de plus."Il lui dit :"Tu as bien jugé."

7,44 Et, se tournant vers la femme : "Tu vois cette femme ? dit-il à Simon. Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, au contraire, m'a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux.

7,45 Tu ne m'as pas donné de baiser ; elle, au contraire, depuis que je suis entré, n'a cessé de me couvrir les pieds de baisers.

7,46 Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête ; elle, au contraire, a répandu du parfum sur mes pieds.

7,47 A cause de cela, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont remis parce qu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on remet peu montre peu d'amour."

7,48 Puis il dit à la femme :"Tes péchés sont remis."

7,49 Et ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes :"Qui est-il celui-là qui va jusqu'à remettre les péchés ?"

Très ennuyeux, en effet. Me considérant moins chargé de péchés, je me sens moralement supérieur à celui/celle qui en porte plus. Que Jésus efface l'ardoise de la pécheresse, ce serait une bonne nouvelle si ça n'annulait pas la source de ma supériorité morale sur cette femme.

Camarades Pharisiens, vous avez un problème : finalement, que la nana en question soit chargée de péché, ça vous va, mais que quelqu'un efface son ardoise, ça ne vous réjouit pas, ça vous inquiète. Vous auriez pu en profiter et demander, vous aussi, l'absolution. Que non ! Etrange cul de sac mental dans lequel votre observance vous a mis, et que Jésus met en lumière en douceur. Heureux ceux qui ont des yeux et qui voient. Pour ma part, camarades, comment vous en voudrais-je ? C'est au 18.511ème jour de mon âge que je découvre, étonné, ce propos de Jésus. 

Dans ce texte, je lis deux choses :

  1. Jésus n'invite pas à une morale. La morale fait des juges et des jugés. Des supérieurs et des inférieurs. Des despotes et des soumis.
  2. Jésus invite à l'amour. L'amour fait des aimants, des amants, des amoureux et des aimés.

A propos de Simon, je me plais à penser qu'il a compris la leçon. Il pourrait faire partie de "ceux qui étaient à table avec lui", techniquement parlant, mais je ne le vois pas comme ça. Jésus a usé de pédagogie, pourquoi Simon y serait-il insensible ?


7,50 Mais il dit à la femme :"Ta foi t'a sauvée ; va en paix."

L'épisode s'arrête là. Pas de leçon de morale, justement. 

Jésus procède sans juger. Dans l'amour, clairement. Parfaitement cohérent avec Lui-même.

Je suis scotché. Je me sens libre, je me sens aimé. Je veux T'imiter. Simon aussi, je crois.


8,1 Et il advint ensuite qu'il cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Les Douze étaient avec lui,

8,2 ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons,

8,3 Jeanne, femme de Chouza, intendant d'Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs biens.

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Ils amènent l'ânon (...) et Jésus s'assit dessus. Marc 11, 7.
  • Mes commentaires interlinéaires de quelques textes bibliques, lus de façon synchronique (le texte tel qu'il apparaît), et autres ressentis que les évènements m'inspirent. Après tout, ne suis-je pas prêtre, prophète et roi, comme toi ?
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