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Ils amènent l'ânon (...) et Jésus s'assit dessus. Marc 11, 7.
17 janvier 2016

Trappiste, apprends-nous à prier !

Au cours de ma visite dernière à la Trappe, je voyais ânonner vêpres par six ou sept moines courbés de vieillesse, et je me disais, ça ne donne pas une impression de vie ni de joie ni de rien. Qu’est-ce qui fait que ça n’attire pas les gens, la Trappe, qu’est-ce qui fait que nos contemporains se désintéressent de ça ?  N’y a-t-il pas un problème de foi ?

Ce qui me frappe, c’est qu’aujourd’hui je rencontre un certain nombre de gens qui présentent des caractères de sainteté ou plutôt que je prenais pour tels selon l’iconographie catholique. Je donne un exemple : Isabelle Padovani dans une interview que j’ai écoutée récemment, disait : dans le courant de ma recherche de l’éveil, à un moment donné, je me suis vue comme un tout, comme une avec le tout. Ca m’a rappelé ce que j’entendais de Saint Benoît, qu’il avait vu l’univers comme un point lumineux. Moi, je prenais ça comme un signe de sainteté, comme pour Saint François le loup de Gubbio.

Aujourd’hui je suis surpris de ma candeur. Je vois les phénotypes de la sainteté, de la grâce, tels que je le croyais, chez des gens qui ne se réclament pas de la foi catholique. Simplement, Isabelle Padovani parle de l’éveil. Il y a une solution : on m’a menti ou j'ai été crédule, ce qui est arrivé à Saint Benoît, ce n’est pas les phénotypes de la grâce, c’est qu’il était humain, tout simplement humain, humain selon le plan de Dieu. Peut être que c’est ça la sainteté, c’est d’être profondément humain, et une grande part de ça s’apprend. Du coup, je suis profondément étonné a postériori de n’avoir jamais reçu à la Trappe de formation à la contemplation, jamais, comme si ça relevait de la grâce et rien que de la grâce, et ça me pose problème. Comme si ce qui relève de la grâce n’était pas humain. Comme si la grâce ne relevait pas de la formation, jusqu’à un certain point on est d’accord, alors que la formation aussi est un don, le don d’être capable d’apprendre, et le don de rencontrer quelqu’un qui est capable de m’apprendre. C’est un don. Quand notre mariage avec MC n’allait pas très bien, on a trouvé une conseillère conjugale et elle nous a appris des choses, elle nous a écouté; elle l’a apprise, cette posture de conseillère conjugale, elle l’a apprise, aussi.

Quand j’étais enfant, ma mère prononçait plusieurs fois par jour « extraordinaire ». j’ai fini par penser que quand je faisais quelque chose pour la première fois, si le résultat n’était pas extraordinaire, ce n’était pas la peine que j’y travaille puisque de toutes façons je n’étais pas doué. Soit j’y arrivais sans travail, soit le travail n’en valait pas la peine puisque je n’étais pas doué pour ça. Je n’avais pas été choisi par Dieu pour jouer de la guitare, alors je n’ai pas travaillé la guitare. Ca allait typiquement avec l’iconographie : la grâce donne tout. Si tu as à travailler, c’est que tu n’as pas la grâce, tu ferais mieux de laisser tomber. Je reconnais que c’est très enfantin.

Est-ce que ça n’est pas un des problèmes que rencontre la vie monastique trappiste que de considérer que certaines choses relèvent de la grâce et pour cette raison ne relèvent pas de la formation ? Alors, je suis bien d’accord que la méditation en pleine conscience ne mène pas nécessairement à la contemplation chrétienne. Ce n’est pas son propos. Par contre, quand je lis le P. Jalics, les premières étapes relèvent de la méditation en pleine conscience; il parle souvent de perception, ça me fait penser aussi à la pleine conscience.

Ca me dérange qu’on ne m’aie pas proposé de formation comme si le fait être d’être au seuil de la maison relevait de la grâce comme le fait d’être dans la maison relève de la grâce. Et là, je dis non. J’entends par là, la maison de la contemplation, parvenir au seuil de cette maison par la méditation à la pleine conscience, ça peut s’apprendre. Alors, certains sont plus doués que d’autres, OK, mais tout s’apprend, même ça. Si la personne est douée, l’apprentissage se fera plus vite. En tous cas, ce n’est pas parce que ça relève de la grâce que la personne ne doit pas être formée.

Ca me fait penser au type qui dit : Dieu, je suis au bord du désespoir. Et Dieu répond : c’est assez curieux, tu es au bord du désespoir et moi, je t’avais envoyé des gens pour t’aider et tu leur as répondu : non, ça relève de la grâce, ça ne relève pas de vous, vous êtes purement humains, dégagez de là, je veux de l’aide de Dieu seul, en direct.

Cet épisode de nos amis qui nous ont dit venez à un WE vivre et aimer, nous allons à ce WE où on apprend ce qui relève de la communication non violente, et on apprend ça, et ça change notre couple du tout au tout. Ca change tout c’est une refondation, je dirais même que c’est une fondation. Oui, mais il y avait des gens qui avaient appris ça, qui avaient bossé ça, des gens qui avaient organisé ça, formés à ça. La grâce est peut-être d’adhérer à ça, de dire J’en fais le choix. De dire Je suis invité, Dieu procède par invitation et la grâce c’est d’entendre l’invitation et de répondre à l’invitation, être formé à la méditation et à le faire ensemble, mais est-ce que ça n’est pas qqch vraiment humain. Du coup est-ce que la sainteté serait simplement d’être profondément humain, de retrouver une humanité pleine et entière qui baignait dans la grâce. Mais si Dieu procède par invitation, il y a des gens qui nous aident et il s’agit d’aller avec eux, de répondre avec eux à l’invitation et d’aller vers soi-même, lech lecha, avec d’autres qui vont t’aider.

Voilà. Je me demande s’il ne faudrait pas proposer à la Trappe des séminaires d’apprentissage à la pleine conscience et que les laïcs enseignent ça aux novices, qu’en même temps qu’ils revêtent l’habit ils s’habillent le coeur et l’esprit avec des choses comme ça, la méditation à la pleine conscience et d’autres choses qui pourraient leur être utiles.

Moi, j’aurais aimé qu’on me forme à ça. Mais peut-être qu’on me l’a proposé et que je n’ai pas entendu. A l’époque j’étais dans le merveilleux, la grâce, le starets Silouane, tout ça, c’est Dieu qui choisit et donne tout. Silouane avait certainement des prédispositions qui lui ont permis de trouver dans la Nature ce qu’il fallait pour atteindre ce que d’autres doivent apprendre et longuement travailler, mais ça n’est pas le problème. Les gens doués qui font des chefs d’œuvre sans savoir comment ils font sont certainement précieux pour le monde, comme est précieux celui qui pêche des poissons sans savoir comment il fait, et les donne à ceux qui ont faim. Maintenant, il y a de la place pour des gens qui savent comment pêcher un poisson et ceux-là sont utiles au monde et aux hommes même s’ils pêchent moins de poissons. Ils font en sorte que chacun sache pêcher et mange à sa faim. Silouane et les gens comme ça, qui me disent combien la prière c’est bien, OK, et je ne suis pas sûr qu'ils sachent comment faire. Mais je préfère des gens qui sont moins charismatiques et qui m’apprennent à prier.

J’avais l’impression que les trappistes me disaient : frère, c’est de l’ordre de la grâce, alors tu demandes la grâce et tu attends et tu te tais; tu peux faire des macérations, ça te préparera à recevoir la grâce.

Je me rends compte que je tombe de sommeil à l’oraison du matin, je dis au père-maître des novices, voilà, je me propose de marcher dans le cloître en apprenant par cœur les psaumes ; il me dit, vas-y. C’est bien gentil, mais il avait l’occasion de me dire, tiens, je vais t’apprendre quelque chose qui t’aidera à faire oraison. Il y avait quelque chose à me proposer à ce moment-là, mais ce n’était pas le propos. On ne m’apprenait pas à prier, à la Trappe.

On pourra m’objecter que quand on demande à Jésus apprends-nous à prier, Jésus répond par le Notre Père. Vas-y petit, récite la prière et tout ira bien. C’est oublier que les disciples avaient une bonne habitude du shabbat et qu'ils vivaient avec Jésus au quotidien, ils avaient un exemple vivant d’une prière assumée. Et que l’objectif de l’évangéliste n’était pas de faire de ses lecteurs des priants, l’objectif de l’évangéliste était : voilà, comme prière de communauté, c’est ça qu’il faut prendre.

Donc, des cours de méditation en pleine conscience à la Trappe !

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Commentaires
R
C'est vrai, à la lecture de sa Règle, on pourrait conclure que, pour Saint Benoît, les observances suffisent à préparer le coeur à l'ineffable douceur d'amour (Prologue de la Règle). Que les instruments disponibles et suffisants sont les enseignements des saints Pères, les pages et paroles de l'AT et du NT, les livres des Pères catholiques et autres conférences, institutions et vies "ainsi que le Règle de notre saint Père Basile" (Règle, Chap. 73). <br /> <br /> Et que dirait Benoît aujourd'hui ? Restreindrait-il ses références aux classiques du VIème siècle ? Je note qu'il ne compte guère sur les frères pour se former à la prière et à la contemplation. Peut-être se limitait-il effectivement (Règle, Chap. 73) à un idéal de moeurs honnêtes et à un commencement de vie religieuse, c'est à dire de vie reliée, sous-entendu au Christ. Question aux jeunes de ce temps : un idéal de moeurs honnêtes et un commencement de vie reliée vous suffisent-ils pour sauter le pas de la vie religieuse ?
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R
Etais-je fermé à la rencontre du guide fraternel, ou bien ledit frère était-il absent ? Ou les frères présents en savaient-ils moins encore ?
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R
Fr. Guerric me dit : on ne nous a pas non plus appris la lectio divina. CQFD.
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  • Mes commentaires interlinéaires de quelques textes bibliques, lus de façon synchronique (le texte tel qu'il apparaît), et autres ressentis que les évènements m'inspirent. Après tout, ne suis-je pas prêtre, prophète et roi, comme toi ?
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