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Ils amènent l'ânon (...) et Jésus s'assit dessus. Marc 11, 7.
25 octobre 2021

Tamar (Genèse 38)

Une lecture dans le texte de Genèse 38. A la recherche de ce qu'il dit et de ce qu'il ne dit pas. De ce qui me surprend, moi, un homme blanc né en France au siècle dernier.

Genèse 38, 1 Il arriva, vers ce temps-là, que Juda se sépara de ses frères et se rendit chez un homme d'Adullam qui se nommait Hira.

Juda se séparer de ses frères ? Qu'est-ce qui lui prend ? Ou bien, c'est un adulte désormais et il vole de ses propres ailes. Il parait libre d'aller où il veut. Il n'est pas dit qu'Hira est de la tribu de quiconque. D'où vient-il, ce Hira, aucunement fils-de. Bizarre.

Genèse 38, 2 Là, Juda vit la fille d'un Cananéen qui se nommait Shua, il la prit pour femme et s'unit à elle.

Ah, là, on sait de Shua qu'il est Cananéen. Hors tribu de Juda. On ne connaît pas le nom de la femme. Pas important ? 

Juda prend la femme pour femme et s'unit à elle, sur un regard. Il prend sans qu'on sache le nom de la femme, sans qu'on sache s'il a demandé au papa de la belle, Shua, quoi que ce soit. Bizarre. L'approbation de Shua va-t-elle de soi ? En tout cas, la femme n'a rien à dire, elle est prise pour femme et est unie à Juda. Juda ne demande pas, il prend.

Shua non plus n'a rien à dire. Est-ce que c'était un honneur que Juda choisisse sa fille ? Si oui, qu'est-ce que Juda a de si spécial, de si prestigieux ? Est-ce un tic du rédacteur : voyez, quand c'est quelqu'un d'entre nous qui demande, ses désirs sont des ordres. Suprémaciste ?

Genèse 38, 3 Celle-ci conçut et enfanta un fils, qu'elle appela Er.

Toujours aucun nom de la mère. On dispose d'elle comme d'une chose, autant Juda qu'ici le rédacteur.

Genèse 38, 4 De nouveau, elle conçut et enfanta un fils, qu'elle appela Onân.

Genèse 38, 5 Encore une fois, elle enfanta un fils, qu'elle appela Shéla; elle se trouvait à Kezib quand elle lui donna naissance.

Trois garçons. Une chance sur 8 d'avoir trois garçons de suite. Bizarre. Si elle avait eu une fille, en aurait-on parlé ? Dans ce récit, seuls naissent des garçons. Seuls les garçons comptent ?

Cette maman anonyme, elle est agie et elle agit. Prise et unie, elle conçoit et enfante. Elle ne dit rien.

Il faudrait dire quelque chose de Kezib. En lisant la Bible, j'ai en tête que tout ce qui est dit a une importance pour le lecteur/auditeur de l'époque. En miroir, tout ce qui n'y est pas a une signification pour moi, lecteur d'aujourd'hui. En effet, si je remarque que quelque chose n'est pas présent dans le texte, c'est que :

  • c'est une attente à moi, homme d'aujourd'hui, que n'avaient pas les auditeurs d'hier
  • c'est quelque chose totalement évident pour les auditeurs d'hier, qui ne s'attendaient pas à le voir souligné - et pour moi, aujourd'hui, ça a perdu son évidence, d'où mon attente de l'y trouver.

Genèse 38, 6 Juda prit une femme pour son premier-né Er; elle se nommait Tamar.

Juda prend une femme. Elle a un nom d'avant cette prise. Elle aussi est agie.

Contrairement à la maman d'Er, elle a un nom, et son père n'en a pas. Qu'est-ce à dire ? Une enfant trouvée ? Un père honteux ? Son père existe bel et bien, il va la retrouver chez lui prochainement - qu'il le veuille ou non. L'avis de cet homme ne compte pas, ni pour Juda ni pour le rédacteur.

Genèse 38, 7 Mais Er, premier-né de Juda, déplut à Yahvé, qui le fit mourir.

Yahvé, on lui déplait, il nous fait mourir. C'est sûr ? Et si on lui plaît, il nous fait vivre ?

Et aussi, qu'a fait Er pour déplaire à Yahvé ? On s'en fout, c'est pas dit,

  • soit parce que c'est pas important (mais quand même, il en meurt, donc ça doit être important),
  • soit parce qu'on n'apprendrait rien si on nous le disait (mais quand même, je veux vivre, j'aimerais savoir ce qu'il faut éviter pour plaire à Yahvé),
  • soit parce que tout le monde l'ignore, et ça suffit de savoir qu'Er en est mort (mais comment savoir si c'est Yahvé qui l'a fait mourir ?)
  • soit parce qu'on n'a pas à le savoir, parce que Yahvé fait ce qu'il veut aux hommes, comme les hommes font ce qu'ils veulent aux femmes. Yahvé dispose des hommes et de leur vie - les hommes disposent des femmes (les prennent pour eux-mêmes et pour leurs fils), les font-ils mourir ? On verra que oui, un homme peut prononcer une sentence de mort sur une femme sans l'entendre se défendre, sur un on-dit.

Ce n'est pas franchement agréable à croire, que Yahvé fait mourir celui qui lui déplaît sans qu'on sache en quoi. On aimerait connaître l'histoire d'éviter de se retrouver soi-même dans le déplaisir de Yahvé. Ca fait un peu dieu grec arbitraire, à la Homère. Il ne faut pas irriter tel dieu, sinon bobo. Pas confortable, comme croyance.

Genèse 38, 8 Alors Juda dit à Onân: "Va vers la femme de ton frère, remplis avec elle ton devoir de beau-frère et assure une postérité à ton frère."

Juda dispose de ses fils, en tout cas d'Onân, il lui dit quoi faire de son corps à lui, en l'occurrence de prendre la femme de son défunt frère, de s'unir à elle jusqu'à ce qu'elle conçoive et enfante. Pas un mot sur le consentement d'Onân. Encore moins sur celui de Tamar. Juda en dispose comme il disposerait d'un bélier et d'une brebis.

Genèse 38, 9 Cependant Onân savait que la postérité ne serait pas sienne et, chaque fois qu'il s'unissait à la femme de son frère, il laissait perdre à terre <sa semence> pour ne pas donner une postérité à son frère.

Pas cool, Onân, de faire ce coup à son défunt frère. Il n'est pas dit qu'il voulait une postérité à lui. Il est dit qu'il ne voulait pas donner une postérité à son défunt frère. En voulait-il à son frère du vivant d'icelui ? Ou bien calculait-il que sa part d'héritage serait d'autant diminuée que les enfants de Tamar compteraient pour les enfants de son frère ?

Intéressant : les enfants de Tamar seront considérés comme les enfants de son premier mari - à condition qu'elle soit prise par les frères dudit défunt mari. Car il n'en sera plus question lorsque son beau-père la prendra. Même mort, son premier mari la possède. Tamar ne s'appartient pas.

L'avis de Tamar sur la pratique d'Onân n'est pas mentionné. Soit elle n'en donne pas, soit le rédacteur s'en fout, soit elle est sensée se taire quoi qu'il lui soit fait. Une vache ?

Genèse 38, 10 Ce qu'il faisait déplut à Yahvé, qui le fit mourir lui aussi.

Là, au moins, nous apprenons ce qui déplaît à Yahvé. Encore que... Est-ce le fait de ne pas vouloir engendrer ? Est-ce le fait de refuser de donner une descendance à son frère. Ambigu. Peu confortable, cette croyance en Yahvé.

Genèse 38, 11 Alors Juda dit à sa belle-fille Tamar: "Retourne comme veuve chez ton père, en attendant que grandisse mon fils Shéla." (...)  Tamar s'en retourna donc chez son père.

Tamar, on lui dit de faire ceci, elle le fait. On ne lui demande pas son avis, elle se fait prendre par son beau-frère sans protester - dans le cas contraire, on l'aurait su. On dispose d'elle. 

Shéla n'est pas en âge de prendre Tamar. C'est cela qui fait qu'elle est considérée comme veuve. Elle était veuve d'Er, mais pas considérée comme veuve. Tant qu'elle est prenable par un des frères, elle est socialement insérée.  Quand ça n'est plus le cas, elle est considérée comme veuve et renvoyée chez son père. Lequel n'a pas son mot à dire, lui non plus. Pas prenable ? Rebut.

Retournée chez son père comme veuve, est-elle socialement désinsérée ? Comme en confinement ?

C'est Juda qui commande, c'est Juda qui dispose de tout le monde, de ses fils, de Tamar comme de son père.

Genèse 38, 11 (...) Il se disait: "Il ne faut pas que celui-là meure comme ses frères." (...)

Juda ne sait pas de quoi est mort Er, ni peut-être de quoi est mort Onân (quoi que si nous le savons, il le savait lui aussi, certainement). Deux morts successivement avec la même femme. Et si c'était la femme, le problème ? et si c'était Tamar ? 

Et si c'était la loi, le problème ? la loi qui impose qu'un frère s'unisse à la femme de son frère défunt dépourvu de descendance ?

Juda : "Ne remettons pas trop de choses en question. De toutes façons, le chaînon commun, c'est Tamar, donc mettons-la à part, retirons-la du circuit. Pour l'application de la loi, on verra plus tard. N'appliquons pas la loi aveuglément, n'est-ce pas ?" Juda dispose aussi de la loi. 

Juda, j'ai l'impression que tout se passe comme si c'était par toi, avec toi et en toi que tout se passe pour l'instant. Les femmes, tes fils, les pères, la loi, tu en disposes comme tu l'entends. Tu ne demandes pas, tu prends. Choqué je suis. En même temps, n'aimerais-je pas faire de même, de mon côté ? Sauf que je n'ai pas le pouvoir. Toi, tu l'as, apparemment. Es-tu si puissant dans le coin ? Qu'est-ce qui fait que les autres t'autorisent à agir de la sorte ? Une aura ? Un grade ?

"Par toi, avec toi et en toi". Une paraphrase de la doxologie chrétienne en fin de prière eucharistique. Appliquée à un individu, c'est selon moi le signe d'une perversion narcissique. Le pervers narcissique est en psychose et voit tout "par lui, avec lui et en lui". Juda, pervers narcissique ? Peut-on d'ailleurs affecter un diagnostic moderne à un homme d'il y a 3000 ans et plus ? Y a-t-il quelque chose comme un "diagnostic moderne" ?

Genèse 38, 12 Bien des jours passèrent et la fille de Shua, la femme de Juda, mourut. Lorsque Juda fut consolé, (...)

Elle n'a toujours pas de nom, la fille de Shua. Juda a été triste de sa mort. Il a pris le temps de la consolation (on ignore combien de temps, si c'était rituel, si c'était personnel). Mais toujours aucun nom. Aucune dénomination en dehors du nom de son père. Shua vivait-il encore ? Aucune individualité, donc. Juste une parenté, côté masculin. La Bible, un monde de mecs décrit par des mecs pour des mecs ? Après tout, un éleveur peut ressentir de la tristesse d'avoir perdu une vache.

Genèse 38, 12 (...) Lorsque Juda fut consolé, il monta à Timna pour la tonte de ses brebis, lui et Hira, son ami d'Adullam.

Hira est un ami de longue date, d'au moins 20 ans. Juda est fidèle en amitié.

On ne sait où se trouve Timna, si c'est loin ou proche, en tout cas je laisse ce fait de côté. En même temps, si l'auteur cite Timna, c'est que ça a une signication pour ses lecteurs / ses auditeurs. Un lieu classique de fête, comme le Salon de l'Auto à Paris, l'OctoberFest à Munich ?

Genèse 38, 13 On avertit Tamar: "Voici, lui dit-on, que ton beau-père monte à Timna pour tondre ses brebis."

On monte à Timna comme on monte à Paris. C'est important, cette bourgade. Par exemple, on ne monte pas à Janaillat dans la Creuse.

"On" avertit Tamar. S'il y a des indifférents à l'histoire de Tamar, tout le monde ne l'est pas. Des gens s'intéressent à elle, à Juda, à ce qui se passe. Elle a accès à la rumeur, elle ne doit pas être trop confinée. Elle a des contacts, peut-être des amis.

Pour les gens, Juda est resté son beau-père. C'est sous la coupe du beau-père qu'elle se trouve. Le beau-père a préséance sur le papa.

Genèse 38, 14 Alors, elle quitta ses vêtements de veuve, elle se couvrit d'un voile, s'enveloppa et s'assit à l'entrée d'Enayim, qui est sur le chemin de Timna. (...)

L'habitation du papa de Tamar doit être assez proche d'Enayim pour que Tamar, habillée en prostituée, s'y rende avant que Juda n'y parvienne. Ou alors, Juda y marchait avec son troupeau, alors ça lui prenait plus de temps. On verra qu'il avait en main sa houlette.

Genèse 38, 14 (...) Elle voyait bien que Shéla était devenu grand et qu'elle ne lui avait pas été donnée pour femme.

Shéla devenu grand, il s'est donc passé quelques années depuis son retour chez son père.

Tamar "voit". Ca me fait penser à un jésuite qui regarde, écoute et voit. C'est une vision compréhension. Les autres verbes sont de forme passive, être devenu (par la force des choses), être donné (par la force d'une loi). Dans une situation d'individu passif, Tamar garde ses yeux ouverts, sa comprenette en alerte. Je serais curieux de savoir comment elle vivait cette approche, cette conscience d'elle-même.

Conscience d'elle-même... L'auditeur est israélite, le narrateur aussi certainement. C'est en loucedé qu'apparaît la conscience qu'a cette femme d'elle-même. Or, elle n'est pas israélite (elle fut l'épouse d'un petit-fils de Jacob - Israël plus en devenir qu'en actes à ce moment-là). Et si le narrateur notait cela parce que ça l'étonne, lui, l'israélite ? Une femme qui voit et se fait une idée de la situation... Et si tout ce récit, c'était celui d'un homme israélite qui découvre que, dans d'autres peuples, il y a des femmes qui, contrairement à celles de son peuple à lui, ont conscience d'elles-mêmes ? Rien de particulier, cette Tamar, sauf aux yeux du narrateur israélite. Du coup, c'est la société israélite qui est analysée là, en creux, dans ce récit.

Ah, serait-ce là ce qu'elle va demander : "Donnez-moi Shéla comme mari ? Faites qu'il me prenne et donne une descendance à Er, son frère ainé ?"

Genèse 38, 15 Juda l'aperçut et la prit pour une prostituée, car elle s'était voilé le visage.

Les prostituées de ce coin-là sont des corps sans visages... Ca en dit long sur la conception du rapport homme-femme. Ca me rappelle la mère d'un jeune coureur de jupons qui dit à cantonnade : "cachez vos poules, mon coq est sorti". Le garçon fait son job de garçon, il prend les filles - si les filles sont assez bêtes pour se faire prendre... Réflexion paraît-il classique, y compris en 2021, en réponse à un dépôt de plainte pour viol : "vous étiez habillée comment ?" qu'on pourrait entendre comme : vous ne l'auriez par un peu cherché, le viol, avec vos nichons, vos hanches, votre démarche féminine, etc. ?

Genèse 38, 16 Il se dirigea vers elle sur le chemin et dit: "Laisse, que j'aille avec toi!" Il ne savait pas que c'était sa belle-fille. Mais elle demanda: "Que me donneras-tu pour aller avec moi?"

Genèse 38, 17 Il répondit: "Je t'enverrai un chevreau du troupeau." Mais elle reprit: "Oui, si tu me donnes un gage en attendant que tu l'envoies!"

Genèse 38, 18 Il demanda: "Quel gage te donnerai-je?" Et elle répondit: "Ton sceau et ton cordon et la canne que tu as à la main." Il les lui donna et alla avec elle, qui devint enceinte de lui.

Genèse 38, 19 Elle se leva, partit, enleva son voile et reprit ses vêtements de veuve.

Genèse 38, 20 Juda envoya le chevreau par l'intermédiaire de son ami d'Adullam, pour reprendre les gages des mains de la femme, mais celui-ci ne la retrouva pas.

Genèse 38, 21 Il demanda aux gens du lieu: "Où est cette prostituée qui était à Enayim, sur le chemin?" Mais ils répondirent: "Il n'y a jamais eu là de prostituée!"

Genèse 38, 22 Il revint donc auprès de Juda et dit: "Je ne l'ai pas retrouvée. Et même, les gens du lieu m'ont dit qu'il n'y avait jamais eu là de prostituée."

Genèse 38, 23 Juda reprit: "Qu'elle garde tout: il ne faut pas qu'on se moque de nous, mais j'ai bien envoyé le chevreau que voici, et toi, tu ne l'as pas retrouvée."

Genèse 38, 24 Environ trois mois après, on avertit Juda: "Ta belle-fille Tamar, lui dit-on, s'est prostituée, elle est même enceinte par suite de son inconduite." Alors Juda ordonna: "Qu'elle soit amenée dehors et brûlée vive!"

Genèse 38, 25 Mais, comme on l'amenait, elle envoya dire à son beau-père:"C'est de l'homme à qui appartient cela que je suis enceinte. Reconnais donc, dit-elle, à qui appartient ce sceau, ce cordon et cette canne."

Genèse 38, 26 Juda les reconnut et dit: "Elle est plus juste que moi. C'est qu'en effet je ne lui avait pas donné mon fils Shéla." Et il n'eut plus de rapports avec elle.

Genèse 38, 27 Lorsque vint le temps de ses couches, il apparut qu'elle avait dans son sein des jumeaux.

Genèse 38, 28 Pendant l'accouchement, l'un d'eux tendit la main et la sage-femme la saisit et y attacha un fil écarlate, en disant:"C'est celui-là qui est sorti le premier."

Genèse 38, 29 Mais il advint qu'il retira sa main et ce fut son frère quisortit. Alors elle dit: "Comme tu t'es ouvert une brèche!" Eton l'appela Pérèç.

Genèse 38, 30 Ensuite sortit son frère, qui avait le fil écarlate à la main, et on l'appela Zérah.

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