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Ils amènent l'ânon (...) et Jésus s'assit dessus. Marc 11, 7.
4 avril 2014

La syro-phénicienne (Marc, 7, 24 sq) : qui Jésus guérit-il ?

La mère est omniprésente dans ce récit, à mon avis la fille va fort bien. Jésus, par son attitude, son regard, sa parole, amène la mère à se rendre compte de ce qui se passe. Climat d'amour, prise de conscience, guérison de la relation : c'est du Jésus.

Seigneur, mon regard agresse les autres et les autres m'agressent en retour. Convertis mon regard sur les autres, amène-moi à les considérer comme ils sont, comme mes frères en Toi.

7.24 Jésus, étant parti de là, s'en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. Il entra dans une maison, désirant que personne ne le sût; mais il ne put rester caché.

Chez qui réside-t-il ? Il entre dans les maisons où il est invité (le Pharisien) ou bien dans celles où il s'invite (Zachée). Marc ne précise pas, donc c'est soit banal, sans intérêt, il est invité par hospitalité ; soit interdit, ce serait mal vu qu'il soit ami avec un Grec, mais comme Marc fait peu de cas des conventions, cette dernière hypothèse est peu vraisemblable. Disons qu'il est invité chez un inconnu par hospitalité.

7.25 Car une femme, dont la fille était possédée d'un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se jeter à ses pieds.

Que sait-on de l'état de santé de la fille ? Ce qu'en dit la mère.

7.26 Cette femme était grecque, syro-phénicienne d'origine. Elle le pria de chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit:

La mère fait sa demande, Jésus agit en... parlant. Pas de déplacement (fille de Jaïre), pas de gestes (Ephphata), juste une parole, ou plutôt juste une relation, un regard, une attitude et une parole.

7.27 Laisse d'abord les enfants se rassasier; car il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens.

Jésus est hors du territoire des "enfants", il est à l'étranger. Il n'a rien à faire ici pour les Juifs. Sa réponse est hors sujet, c'est comme un fort des Halles allongé dans un hamac qui dirait : décharger ton camion ? Pas question, j'ai mes propres palettes à décharger. Jésus disant "je suis en vacances, on parle pas boulot", ça fait pas sérieux.

Ou bien, de quels enfants parle-t-il ? De ses enfants à elle, de son enfant à elle ?

Et puis, les chiens. Ses chiens à elle ?

A la rigueur, il pourrait s'agir des paroles d'une comptine, d'un apophtegme patoisant ou d'une réclame bien connue, auquel cas Jésus traite avec légèreté de la requête de cette femme. Mais ce n'est pas son habitude.

Autre chose qui ne colle pas, je veux dire, qui indique que cette parole n'est pas anodine : un miracle ici ne prive personne d'un miracle là-bas ! La notion que 'le pain donné aux petits chiens est retiré de la bouche des enfants' désigne un jeu à somme nulle : ce que je donne à l'un je le retire à l'autre. Or, ce n'est PAS la requête de la maman ! Que Jésus fasse un miracle pour elle ou sa fille n'entraîne en rien qu'un miracle n'aura pas lieu pour une mère et une fille juives.

Enfin, "enfants" et "petits chiens" introduit la notion de castes, de groupes inférieurs et supérieurs, de dominés et de dominants. Je trouve cet argument étrange dans la bouche de Jésus : tu fais partie des dominés, donc tu n'auras rien avant que les dominants n'aient tout eu...

Je penche pour ceci : cette histoire de pain, d'enfants, de chiens et de miettes a un sens précis pour cette femme. Je fais l'hypothèse que Jésus parle à la femme le langage qu'elle comprend, qu'il la confronte à ses propres modes de pensée. Dominant / dominé.

7.28 Oui, Seigneur, lui répondit-elle, et les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants.

Osty note qu'il est écrit "... et les petits chiens...", c'est littéral. La femme dit en substance : non, ce n'est pas un jeu à somme nulle, s'il y a du pain pour les enfants, il y en a aussi pour les petits chiens, tu ne prives personne en me faisant du bien.

Je note que la femme reste dans le registre dominant/dominé, elle ne le remet pas en question, elle s'accepte en "petit chien qui reçoit les miettes des enfants". Mais, habile maman, le pain donné aux enfants n'est pas perdu pour les petits chiens : pour elle, ce n'est pas un jeu à somme nulle. Une miette de miracle est encore un miracle.

Une parole qui change le cours des choses. Jésus amène la femme à exprimer ce qu'elle a sur le coeur. Un conflit mère-fille sur fond d'adolescence ? La jeune fille est-elle saisie par l'amour et la mère craint-elle d'être délaissée, moins aimée ? "Est-ce donc un démon qui attire mon enfant hors du cocon familial ?", se dit-elle.

Cette femme est peut-être atteinte de perversion narcissique. Elle écrase sa fille à tel point que cette dernière, ne pouvant la fuir, adopte un comportement adéquat : par sa prostration, elle disparaît comme elle peut.

Cette dernière pensée me vient à la relecture d'un épisode familial. Le grand'père, figure perverse narcissique selon moi, dit à qui veut l'entendre, d'une voix emprunte d'émotion : ma femme perd la tête, elle pleure souvent... Lecture à première vue : elle est atteinte du démon de la sénilité. En fait, non, pas sénilité, mais excès de stress et auto-lobotomie du cortex. Tous sont témoins du stress du mari sur sa femme. C'est finalement de lui que tous s'occupent le plus, dans l'espoir qu'il lâche la pression sur son épouse. Espoir déçu, hélas. En effet, ces soins dont cet homme est l'objet le confirment dans sa perversion. Tragique : plus on en fait pour lui afin de soulager son épouse, moins ça fonctionne.

7.29 Alors il lui dit: à cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille.

La mère parle à Jésus et le démon sort de la fille ? Je ne crois pas.

Je crois plutôt que la femme parle et, soudain, son coeur entend ce que dit sa bouche ; elle prend conscience de l'énormité de la situation, de son attitude vis à vis de son enfant. J'ignore quel mal a la relation entre elles, mais cette maman, à cette heure-ci, comprend.

Ne crains pas, petite mère : l'amour que ta fille porte à autrui n'efface pas l'amour qu'elle te porte. Quand elle te réserverait les miettes de son amour parce qu'elle dirige désormais son amour hors de la maison, c'est toujours de l'amour, n'est-ce pas ? Quand elle se protègerait de ton narcissisme, elle t'aime comme sa mère car elle n'en a qu'une et cette mère, c'est toi, n'est-ce pas ?

Ne crains rien, petite maman : de fait, plus elle grandit, plus ta fille prend le pas sur toi, aussi. Rien dont tu devrais avoir peur d'ailleurs, puisque c'est l'ordre des choses.

Le démon sorti de sa fille ? Il n'y avait pas de démon, sinon peut-être en la mère. Oui, un démon est sorti, parce que la mère est guérie et les relations mère-fille le sont aussi.

7.30 Et, quand elle rentra dans sa maison, elle trouva l'enfant couchée sur le lit, le démon étant sorti.

Que sait-on de l'état de la fille ? Ce qu'en constate la mère. Et que voit-elle ? Une enfant couchée sur le lit : quoi de plus normal ? A cette vue, elle ne voit plus un esprit impur soumettant sa fille, elle voit sa fille telle qu'elle est, une enfant normale. Elle ne voit plus le démon.

Je crois que c'est la mère qui est guérie.

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Ils amènent l'ânon (...) et Jésus s'assit dessus. Marc 11, 7.
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